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A.J. Crime
10 Novembre 2014, 12:47
Nan, les blonds, ce sont les Janissiens... Je ne sais plus quelle version il y a au chapitre sur le forum... mais comme tu as accès à tout, eve, tu devrais trouver dans "les romans". La première version de l'épée du pouvoir a été écrite alors que j'avais entre 15 et 18 ans et a fini dans les mains de fleuve noir avant d'être refusé par Jacques Goimard mais je le comprends c'était une véritable horreur (en terme de français, bien évidemment).
A.J. Crime
10 Novembre 2014, 9:09
Le droit que tu as, c'est de créer même si pour cela tu récupères des morceaux de texte et apportes des modifications. Les règles du plagia sont assez souples d'après ce que j'ai entendu dire...

Suis ton inspiration, tu verras bien où cela te mène.
A.J. Crime
08 Novembre 2014, 11:39
Salut Gilles (je peux ?)

Alors, je viens de tout reprendre afin de remettre les billes à plat.

Il y a maintenant une catégorie pour les "4 coins cardinaux du système d'Heilénia" http://heilenia.fantastique.free.fr/index.php?cat=98 C'est là que tu trouveras la majorité de ce qui concerne Heilénia (il y a des textes définitifs dans le coin caché... mais pour le moment, il t'est encore caché !!!)

Les éléments généraux se trouvent dans un forum particulier Saga d'Heilénia, éléments généraux et monde partagé. où j'ai placé le monde partagé dans lequel tu trouveras Textes des habitants d'Heilénia. avec des copies entames et autres textes accessoires enfantés par les habitants d'heilénia. Dans cette note tu auras le détail des différents livres, tous ne sont pas encore montés ça aurait demandé pas mal de travail et nous manquions de matière IMP, canevas des différents livres. . J'ai ouvert des topic consacrés à ceux sur lesquels j'ai travaillé (no body is perfect...).

Un forum very important pour bien t'imprégner : tout ce qui concerne la trame de la saga : La trame . Et la note à ne surtout pas louper, lire dans le détail et faire de toi le prolongement : La ligne de temps générale , ici, toute l'évolution déjà définit y est compulsée... à quelques détails près parce que je suis en train de travail sur la suite de "Dispergerum antecessors". N'hésite pas à poser des questions au fur et à mesure de ta progression... tu ne pourras pas intervenir dans les notes, mais n'hésite pas à ouvrir des topic ou poster dans ceux existants dans les sous-forums concernés... pas exemple, pour la ligne de temps : notes de ligne de temps .

Ensuite, les différentes époques sont séparées les unes des autres avec plus ou moins d'informations, de notes ou de textes dans des états plus ou moins avancés d'écriture et de construction. J'affirme une fois de plus que c'est un lieu de travail alors tu auras peut-être l'impression de trouver de vieilles choses et c'est normal.

Celle qui sera la plus propice aux troubadours d'heilénia est cette époque : Epoque d'Heilénia. . "La Sylve d'Eole" est un texte entamé avec FO (notre admin adoré) et c'est dans celui-ci que nous avons commencé à toucher du doigt le besoin d'avoir des troubadours pour citer leurs textes ou les prêter à nos personnages pour des chansons et ainsi de suite... dans chaque sous forum tu auras des notes comme là : Informations communes. ... qui rassemblent les informations ou textes définitifs ou semi définitifs (tout au moins au top de ce que l'on a laissé derrière nous). Et des topics de travail où tu peux intervenir comme tu le désires pour apporter tes remarques, ton opinion et ton avis (qui sera pris en compte autant que l'on peut... ou pas en fonction de ce que nous (FO et moi) connaissons de notre histoire et ce à quoi nous la destinons).


Voilà, j'espère avoir un peu éclairci les choses. Si tu as d'autres questions, j'y répondrai aussi bien que je le peux dans des délais en fonction de ma présence et de mes disponibilités.
A.J. Crime
07 Novembre 2014, 22:25
A.J. Crime


L’épée du pouvoir






Livre premier :


L'EPEE




Premier chapitre :

La légende




1



Le soir approchait. Un soleil écarlate ensanglantait la plaine sur laquelle une douzaine d'hommes en armes chevauchaient à vive allure. Ils arriveraient de nuit au relais.

La chaleur humide augmentait au rythme de leur progression vers le sud du pays. D’ici à quelques jours, ils ne longeraient plus les bosquets et les bois qui séparaient les champs mais remonteraient des pistes tracées dans la savane. Les cultures retournaient à la nature sauvage au fur et à mesure de l’avancée des armées barbares. La région qu’ils traversaient, épargnée, permettrait encore quelques moissons, si l’efficacité du plan n’était pas mise en défaut.

Tous portaient une armure de cuir épaisse et sombre, un casque, une épée au côté, un bouclier de bronze accroché à la selle. Certains ajoutaient un arc et un carquois en bandoulière, d’autres une masse d’arme à portée de la main. Deux cavaliers plus richement harnachés que les autres ouvraient la route en conversant, les suivants guettaient les alentours. L'un d’eux montait un cheval albinos dont le crin paraissait rouge vif dans la lumière déclinante. Le cuir et l’acier qui le couvraient, damasquinés avec soin, affirmaient sa noble origine. Une épaisse chevelure brune dévalait son cou pour s’étaler sur les épaules larges. Une cotte de mailles rutilante protégeait ses membres sans réussir à masquer leur puissance.

Il se nommait Alryk, et possédait le titre d'empereur de Janis. Ses yeux saphir incrustés entre les larges paupières brillaient de confiance contrairement au cavalier près de lui. Ce dernier montait un cheval couleur noir de jais. Outre sa force physique généreuse que l'on appréciait au premier coup d’œil, Rodrigue, le chef de la garde, avait, sous des cheveux blonds coupés très courts, des traits taillés à coups de sabres. Malgré cette apparence de brute sanguinaire, son regard reflétait avec fidélité une intelligence aiguisée.

L'empereur revenait d’une longue tournée d’inspection avant de partir pour une mission épineuse qu’il n’aurait confiée à personne d’autre. Alryk usait de l’instant privilégié pour échanger des réflexions et donner les dernières consignes au capitaine de la garde impériale qui l'écoutait, attentif. Il n’en disait pas moins ce qu'il en pensait. Ce trait de caractère, qui le desservait souvent, lui assurait une place de choix auprès du souverain. Celui-ci tendait une oreille attentive à sa grande expérience.

— Vous pouvez être satisfait de la ligne de défense que nous avons conçue. Elle barre le pays et les barbares ne la passeront pas en nombre à moins de l’abattre. Ils y investiront les grands moyens et écorneront la belle machine de guerre qui a conquis les trois quart de Janis. A votre retour, ils seront affaiblis, marqués par la défaite…
— A la condition que mon cousin Achille respecte ses engagements ! coupa Alryk soudain renfrogné.

L’exclamation plongea Rodrigue dans un silence hésitant. Il prit le temps de la réflexion avant d’exprimer le fond de sa pensée. Se projeter dans un avenir riche d’infinis possibles et d’incertitudes nécessitait de ne pas colporter les délires paranoïaques des courtisans ou des hommes de troupe. Il se devait de garder l’esprit ouvert.

— Votre cousin est rompu aux jeux de cour, votre altesse, dit-il enfin à voix basse. Il est meilleur courtisan que guerrier, se mêle de nombreux complots et déjoue sans pitié ceux qui le prennent pour cible. (Alryk opina du chef, un sourire sardonique aux lèvres) Vous avez pris soin d’édicter des lois précises pour que le trône reste vacant pendant votre longue absence. Achille assurera la régence en tant que grand conseiller, poste qu’il occupe déjà. Mais je ne vous apprendrai pas quelle soif de pouvoir l’anime, quel esprit revanchard l’habite. Depuis votre enfance, il ne travaille que pour vous égaler ou vous dépasser en toutes matières. Il possède énormément d'amis à la cour et s'il décidait de s’asseoir à votre place, je suis prêt à parier qu'il n'y aura pas de bonnes âmes pour l'en empêcher. Ses opposants le craignent trop pour défendre la ferveur qu’ils vous portent, et cela, même en votre présence.

Rodrigue porta loin son regard dans la plaine. Il s’attendait de se faire rabrouer pour avoir parlé aussi crûment à son seigneur. Ils savaient tous deux que l’analyse était juste, fondée sur des faits. La projection du capitaine de la garde impériale, impartiale, ne laissait planer aucun doute sur les conclusions de l’affaire. Alryk ressentait l’insidieux besoin de trouver des garanties pour éviter à Janis une débâcle.

— Je ne m'inquiète pas pour ça, Rodrigue. Je me repose sur ta présence à la tête de la garde impériale pour remplir la fonction de garant de la couronne. (Alryk regarda son capitaine dont les yeux se perdaient maintenant entre les oreilles de son cheval.) Il fourbit ses troupes apprêtées dans l'ombre. Je n’ignore pas la complexité de la tâche que je te confie, mais je compte sur ton sérieux pour faire respecter mon choix et mon commandement, ordonna l'empereur. Je me suis toujours refusé à utiliser des méthodes subversives pour l’écarter du pouvoir qui lui revient. Nous en avons déjà âprement discuté. Il est trop tard pour exprimer des regrets, je ne voulais pas priver Janis du sang des empereurs. Il était préférable de composer avec la branche pure dont il étale la blondeur en toutes occasions.

Les paroles d'Alryk avaient résonné dans les graves et seul le capitaine avait pu l'entendre dans le martèlement des sabots sur un chemin pierreux en bordure d’un bois. Rodrigue hésita à rappeler à son supérieur que son sang était aussi pur que celui de son cousin. Avec le temps, la différence physique qu’il portait comme une tare s’était répandue dans toute la branche impériale. Le peuple ne l’en estimait pas moins pour autant maintenant qu’il avait démontré sa valeur. Il préféra éluder le sujet qui tenait à cœur au jeune homme.

— Bien que connaissant le terrible besoin de cette mission, je m’interroge tout de même sur la nécessité de prendre autant de risques, fit le capitaine d'une voix usée. Combattre les barbares suffisait à nos soucis, reprendre le trône, même si vous revenez avec Blayd…

Un sifflement interrompit Rodrigue pendant son discours. Il comprit la nature de la menace avant que les flèches ne s’abattent sur leurs rangs. Le capitaine décrochait le bouclier de la selle en se tournant vers leur suite.

— Aux boucliers ! rugit-il. Formation de défense !

Bien entraînée, constituée des meilleurs soldats, la garde impériale prenait déjà les dispositions de combat. Une première volée de flèches s’abattit sur eux. Elles se plantèrent indifféremment dans les arbres, le sol, les pourpoints, les boucliers à demi levés ou la chaire. Deux hommes chutèrent, trois chevaux interrompirent leur course.

Une deuxième volée s’éleva du sous-bois. L’ennemi localisé, ils s’éloignèrent de la trajectoire en louvoyant. Épées au clair, ils pénétrèrent dans les sous-bois en pente, Alryk bénit les paysans qui entretenaient les forêts et récupéraient le bois mort sur ordre de l’empereur. Retranchés sur un éperon rocheux, une dizaine de barbares se préparaient à tirer de nouvelles flèches, surpris de constater la promptitude avec laquelle les Janissiens avaient éventé l’embuscade. Les montures les empêcheraient d’approcher. Rodrigue donna de nouvelles consignes :

— Archers, en protection ! Les autres, à terre !

Les premiers entamèrent un long cercle autour du rocher. Le bouclier en protection pour encocher et attendre le moment idoine pour frapper. Dans un bel ensemble, le reste du groupe piqua sur l’adversaire. Ils sautèrent des montures à quelques pas des agresseurs déstabilisés par la charge des animaux sans cavaliers. Rodrigue protégeait le flanc droit d’Alryk, confiant le gauche à son meilleur élève du moment.

Comme à son habitude, l’empereur se jeta dans la bataille, protégé par le bouclier à droite la pointe de l’épée dépassant sur la gauche. Adroit, il dévia un coup de sabre Girois à la courbure exagérée, l’épée lourde piqua vers le barbare à la peau d’ébène. La tranche du bouclier percuta violemment le flanc de l’immense Malhais qui se préparait à affronter le capitaine. L’armure de cuir craqua. Alryk se fendit, ferrailla avec le petit Girois blessé avant de l’achever d’un coup de taille. Le barbare s’effondra, le torse tailladé de part en part, les tripes à l’air.

Rodrigue affrontait le Rouquin. Le souffle court, le barbare déployait des trésors de combativité. Il balançait une hache de la main droite, et de l’autre, détournait la rapière du capitaine avec un poignard effilé. Alryk sourit en regardant son capitaine user le géant par des déplacements rapides, des attaques et des feintes. L’empereur grimpa sur un bloc de granit. Il dominait le dos du barbare. Alryk joignit ses deux mains sur la poignée de son arme, bien callées contre la garde, pointe vers le bas. Il sauta, visa juste et poussa trente centimètres d’acier à la jointure de l’épaule dans la cage thoracique du géant. Une gerbe de sang l’éclaboussa. Le Malhais tenta de le toucher de ses lames puis s’effondra dans un hoquet.

Sans pitié, ils achevèrent les blessés rivaux. Ils ne pouvaient se permettre d’emmener des prisonniers. L’affrontement fut violent et bref, de simples éclaireurs barbares. Ils récupèrent les chevaux, trièrent les bien-portant, répartirent au mieux les charges, pansèrent leurs blessures. L’empereur exigea de faire fouiller les cadavres ennemis. Ils y découvrirent quelques cartes sommaires, des ordres de mission. Ils se remirent en route au plus vite. Rodrigue et Alryk ouvraient la route, comme à leur habitude. Les deux hommes ne tardèrent pas à échanger de nouveaux propos alors que la nuit tombait.

— Pense à faire doubler les patrouilles ! ordonna l’empereur. Il n’est pas convenable de tenir la ligne de défense et que les convois de ravitaillement subissent des attaques incessantes de barbares infiltrés, il se tut un instant avant de reprendre la parole. Tu voulais ajouter quelque chose au sujet de mon retour ?

Le capitaine se ramena mentalement au début du combat.

— Oui ! fit-il. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance, vous mènerez les batailles nécessaires lorsque vous reviendrez, quelque soit ce que vous trouverez là-bas. Je me chargerai d’empêcher votre cousin Achille de commettre d’irréparables bévues ou de trop s’approcher du trône.

Alryk mûrit une réponse alors que la fraîcheur de la nuit apaisait la brûlure du combat. Il inspira profondément comme pour trouver l’inspiration dans la moiteur du soir.

— Avant toutes choses, reste en vie ! lâcha l’empereur. Si tu disparais de mon échiquier, nos généraux, même les plus aguerris par les années de guerre, ne combattront pas comme ils ont appris à le faire. Notre stratégie d’attente repose en grande partie sur la finesse qu’ils mettront à commander les troupes. Ils te reconnaissent tous comme le porteur de ma parole, cela m’arrange bien. Si ta voix s’éteint, ils s’obligeront à suivre Achille comme des moutons que l’on envoie à l’abattoir. Ils craignent sa magie.

Les deux hommes s'abîmèrent dans leurs pensées. Jamais un tel fardeau n'avait pesé sur les épaules de Rodrigue, capitaine de la garde impériale de Janis, maître d’arme, porteur de la bannière de deux règnes successifs. Quant à Alryk, il doutait de plus en plus du bien fondé de la mission qu'il s'était assigné dans la forêt éternelle. Pessimiste, il se persuadait que le moindre grain de sable enraierait les rouages minutieusement ajustées pour qu’ils tiennent jusqu’à son hypothétique retour. Alryk pensait que son capitaine se trompait sur un point ; si l’épée ne correspondait pas aux légendes, elle ne lui accorderait pas la puissance nécessaire pour repousser l’envahisseur et se débarrasser d’Achille.

Dans les jours qui suivirent, le détachement chemina vers la place forte la plus méridionale de l’empire pour y faire le dernier arrêt avant qu'Alryk ne parte pour l'inconnu et l'aventure. Sur son chemin, le détachement traversa de nombreux villages où les habitants, malgré tous les problèmes que pose la guerre, témoignèrent confiance et affection à leur chef suprême. Une mauvaise étoile éclairait sa naissance. Il luttait encore pour s’imposer et conquérir le cœur de ses sujets à la cour. Ses actes de bravoure et ses qualités lui ouvraient pourtant les bras de la loyauté des plus petits d’entre eux. Ils la lui témoignaient avec empressement, croyant que même l’impossible ne résisterait au cœur valeureux de l’héritier du trône séculaire de leur empire. Cette ferveur nourrit sa détermination.

Au rythme saccadé de la chevauchée, Alryk repensait avec nostalgie aux cours d’histoire subits pendant l’enfance. Il s’y était replongé pour préparer la mission à venir, les précepteurs insistaient sur les connaissances perdues depuis que les anciens monarques avaient été exterminés. Son règne s’achèverait sur la possible extinction du peuple Janissien, l’empire décapité.



2



Un royaume ! Les anciens, avec l’aide de la magie et en invoquant des forces d’outre-monde, l’avaient bâti dans leur grande sagesse et avec une détermination sans faille. Isolé, imprenable, cette nation à la cohésion sociale inébranlable entretenait avec respect la terre que les aïeuls leur avaient légué.

Un royaume ! Les anciens le nommèrent Janis. Dessiné au fusain sur une carte d’état-major, il rappelait la perfection d’une poire. En souriant, certains y voyaient les formes généreuses d’une femme. Une poire, donc ; la queue, orientée vers le sud, fermait le territoire comme une nasse de crabe. Les bords Est et Ouest, tout en courbes, étaient délimités de montagnes infranchissables aux aveuglantes neiges éternelles. Personne ne penserait même à en violer les pentes escarpées, à conquérir les sommets de roches aigues couvertes d’une glace permanente, à se perdre au faîte des cols, à explorer des glaciers couturés de crevasses sans fonds. Ce décor, dévoilé à des yeux humains, y aurait pourtant été époustouflant. Des ruisseaux s’en écoulaient. Ils remplissaient le sous-sol, déversaient de temps à autre des flots tumultueux dans les rivières, gonflaient à leur tour les fleuves pour inonder les vastes plaines agricoles. Janis bénéficiait d’une géographie harmonieuse, quelques montagnes, des vallées, des plaines, des collines, des marais et des côtes poissonneuses. La variété des milieux autorisait la prolifération de nombreux animaux, d’un vaste désert jusqu’aux zones tropicales du sud, il suffisait de prendre la peine pour profiter des bienfaits de la terre, récolter des richesses, ouvrir les bras pour recevoir la félicité des dieux.

La frontière Nord s'ouvrait à l’immensité d’une mer : « La Mer de la Séparation ». Ce nom, béni des dieux, respectait l’usage. Les légendes prétendaient qu’elle s’étendait à l’infini d’Est en Ouest. Aucun bateau n’en avait trouvé le bout, bloqués par quelque tempête, des monstres marins ou des riverains belliqueux. Tout au plus des îles y avaient été inventoriées, désertiques souvent, crachant le feu de la terre parfois, minuscules la plupart du temps, rarement exceptionnelles, habitables, confortables, merveilleuses. Mais, paramètre primordial, cette mer séparait efficacement Janis devenu empire de trois royaumes barbares.

Leurs territoires évoquaient une goutte d'eau étirée le long des côtes, bloquée plus au nord par les sables chauds et abrasifs du « Désert Mort ». La contrée la plus à l'Ouest s'appelait Gir, habitée par des ethnies à la peau d'ébène et de petite constitution. Ils s’aventuraient loin dans les terres arides et entretenaient des relations commerciales avec des tribus nomades. Les Girois, durs à la tache, avaient appris à vivre de la terre ingrate, tirant profit de réserves halieutiques fournies. Malha, à l’opposé, voyait grandir ses enfants roux au physique généreux, à la force indiscutée. La topologie capricieuse de ce territoire réservait nombre de surprises dans les couches sédimentaires. Placés sur une faille tectonique active qui se prolongeait loin dans l’Est et le Nord-est, les Malhais subissaient tremblement de terre, raz de marée et éruptions volcaniques. En perpétuel réorganisation, le sous-sol mettait à jour métaux utilitaires ou précieux, diamants et autre pierres, carburants fossiles et autres merveilles enfantées par la pression souterraine et de la chaleur engendrée par les laves affleurant. Les plus brillants cerveaux d’une nation qui ne brillaient pas par l’intellect, conçurent des techniques et des machines pour exploiter ces ressources profondément enfouies. Usant de la forte constitution du peuple, ils les envoyèrent trimer dans les mines pour la grandeur de l’état.

Entre les deux existait Thor dont les représentants à la culture travaillée avaient pour seule caractéristique d'être bruns. Longue bande de terre orientée nord sud, le pays bénéficiait de conditions tempérées, propices à l’agriculture et à l’élevage. Cela ne suffit pourtant pas à nourrir les bouches de ce peuple prolifique. Coincés entre des voisins aux cultures marquées et extrêmes, ils comprirent vite qu’il gagnerait à se les allier pour entretenir un commerce sur terre comme sur mer. Les Thoriens construisirent des routes et une flotte impressionnante de bateaux. Bientôt, ils prirent une place commerciale incontournable, reliant les îles et les continents en dominant l’espace maritime. Commerçant même avec les riches Janissiens. Tout empire commercial amasse quantité de richesses et de ce fait inspire la convoitise. Ils furent les premiers à construire des armadas de guerre et à développer des tactiques navales rapidement éprouvée sous la pression d’une piraterie grandissante qui dénichait ses ouailles dans la fange des quatre principaux peuples. Bénéficières de nombreux contacts humains de tous horizons, les Thoriens développèrent une culture hétéroclite, soignée, complète et profonde, berceau de sciences balbutiantes, de penseurs philosophes, d’artistes scrupuleux.

Depuis que les trois peuples avaient pris la décision d'envahir Janis, dont la blondeur et les qualités intellectuelles de ses habitants faisaient référence, ils s’unissaient et se mélangeaient avec retenue. L'alliance ainsi formée remportait victoires sur victoires et repoussait petit à petit les troupes Janissiennes dans le sud du pays. La prise de chaque ville ou village se faisait plus âpre au fur et à mesure que les mois s'écoulaient.

Mais il restait encore un atout à l'empire agonisant. Un cœur valeureux s’apprêtait à abattre une dernière carte. Un homme, seul, se préparait en secret à risquer sa vie pour sauver tout un peuple. Il voulait affronter les pires sortilèges pour rendre la liberté à l’empire Janissien. Tous ses espoirs reposaient sur une légende ancrée au fil des siècles dans les esprits et qui les mènerait, peut-être, vers une victoire compromise.






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A.J. Crime
03 Novembre 2014, 9:53
Bonjour,

voici la début de l'un de mes romans, de l'épouvante, (thriller comme ils aiment dire aujourd'hui) commencé il y a longtemps je le remets au gout du jour... beaucoup de travail de réécriture mais ça avance et je peux ainsi vous livrer le début dans le cadre de l'évènement "les auteurs francophones SFFFH ont du talent" :

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"
Château d’Écosse

d' A.J. Crime


Première partie
(1er round)

L'ESPRIT





1





Il roulait à vive allure depuis environ deux heures sur cette petite route venant de Dundee au volant de sa Ford. Il dépassa un panneau indicateur du nom de la petite bourgade d'Écosse où il pénétrerait dans cinq miles : "Tanna’Saoghal". Sur la carte, le château devait être à environ trente minutes du village en s'enfonçant dans les Highlands.

Tanna’Saoghal reposait au pied de concrétions rocheuses, la plaine vallonnée depuis le bord de mer prenait alors brutalement fin. Le soleil brillait haut dans le ciel et son estomac le rappelait bruyamment à l'ordre. Il n'avait rien emporté pour manger sur la route, certain de croiser des bourgades équipées de restaurants. L’arrière pays présentait un aspect de no-mans-land où des hameaux déserts se disputaient avec des ruines.

Il se rendait dans ce village pour se livrer à sa passion, les châteaux, et celui-ci nourrissait son imagination. Il ne se limitait pas à l'Écosse, mais les grandes demeures de ce pays de légendes le passionnaient.

Il visitait rarement par un aussi beau temps, mais ne sait-on jamais, la tourmente pourrait peut-être se lever et rajouter un peu de piquant à cette histoire. Il en avait pourtant vu des bâtisses noires et abîmées résister fièrement aux éléments au sommet d’éperons rocheux imprenables, de montagnes battus par la pluie. Le vent soufflait avec rage entre les pierres, faisant naître dans l'imagination des habitants une cohorte de démons terrifiants, effrayants, bien plus encore lorsque l’Humain se complet dans le doux frisson des craintes superstitieuses, infondées.

Jusqu’à la révélation ! A postériori, il savait avoir croisé, vu ou entendu de véritables esprits. L’expérimentation de l’au-delà ouvrait les yeux sur un monde complexe et parfois dangereux. Tout jeune homme, il repoussait ces sornettes avec des moqueries faciles. Plus tard, tout à son engouements des vieux bâtiments, il avait entendu des histoires troublantes, jusqu’à entendre des bruits que l’imagination seule n’expliquait pas. Une démarche objective, reliée à des connaissances en physique sérieuse fournissait l’argumentaire nécessaire pour répondre et écarter des terreurs qu'il méprisait, abjects. Il regardait avec une certaine pitié des hommes et femmes terrorisés, privés de leur intelligence, abandonnés de toute réflexion, dépassés par des événements banals.

Mais un jour, au cœur même de cette Écosse de légendes, un autre aspect de la vie et de la mort lui avait été révélé. Tel un Athée qui se convertit en entendant la voix du seigneur, il s’était forgé une indéfectible foi en une nuit. À presque trente ans, remettre en cause des certitudes de toute une vie en quelques heures au péril de sa vie, il y avait de quoi être retourné et générer de nouvelles passions. Son pied relâcha imperceptiblement l’accélérateur alors qu’il se rappelait le déclencheur de sa nouvelle vie, de sa reconsidération du monde, de tout ce qu’il apprenait au jour le jour et aux personnes qu’il avait rencontrées par la même occasion…



*******



Une paisible matinée s’était écoulée dans un passé où sa Ford Escort flambant neuve affrontait les épingles à cheveux d’une route de montagne, presque un chemin défoncé. Le ciel, alourdi de nuées grises, n'avait pas laissé paraître le soleil. Les sommets alentours restèrent invisibles derrière la couverture nuageuse compacte et immobile tant le vent s’était absenté. Un sentiment prédominait ; il ne pleuvrait pas et l'air stagnerait dans l’attente béate du premier coup de tonnerre.

Concours de circonstance qui rendait l’après-midi agréable enfermé entre les murs frais et humide du vieux manoir habité par un Lord à l’âge canonique. Il se rappellerait son nom à la patine aussi usée que ses pierres. Oublieux de l’heure, de captivantes digressions historiques et architecturales les avaient poussés jusqu’au soir. L’homme, heureux de trouver un interlocuteur pointu et intéressé, lui avait offert de partager un repas et de dormir chez lui :

— Il serait préférable que vous dormiez ici monsieur Wallon, la route n’est pas sûre de nuit et l’orage qui menace vous prendrait au dépourvu. J’ai une chambre d’ami que je tiens toujours prête, bien que je reçoive peu. Si vous ne craignez pas la peur qu'enfante la proximité de ce que beaucoup appellent en tremblant des esprits ?
— Bien sûr que non ! répondit-il en haussant les épaules.

Bill Wallon se retrouva déçu par cette ultime remarque, il s’était persuadé que ce vieux Lord ne s’encombrait pas de superstitions idiotes. Le Lord n'avait fait aucune allusion à un habitant millénaire qui traînait ses chaînes toutes les nuits de pleine lune. Le vieil homme garda un sérieux flegmatique et Wallon envisagea que l'homme s'amusait à ses dépends ou le testait. Les ermites, de quelque rang social soit-il, le plongeait dans l’incompréhension.

Bill logea dans une vaste chambre aux murs de pierre brute masqués sous de lourdes tapisseries. L'électricité, pour la lumière et le chauffage, avait été installée quelques années plutôt et les câbles pendaient, artisanalement fixés aux murs. Wallon comprenait que saigner la pierre aurait demandé des travaux titanesques et que par soucis d’économie un tiers du château avait été équipé pour le confort de ses hôtes, du maître et d’une poignée de serviteur. Bill repensa avec un sourire aux deux aimables domestiques qui avaient papillonné autour de la table pour servir le repas.

Un bon feu grondait dans la cheminée pour aider le chauffage, branché en son honneur, à chasser le froid et l'humidité incrusté dans les pierres séculaires. Le foyer crépitait au pied du lit à baldaquin sur le mur opposé. Bille ne peinerait pas trouver le réconfort des flammes orangés pour réchauffer une literie imprégnée de l’odeur de moisissure malgré une senteur florale d’assouplissant. La chambre avait des proportions titanesques, il pria pour qu'elle ne rencontre pas d'icebergs. Suspendus entre les lourdes tapisseries, des armes et des trophées jouaient des ombres et des lueurs projetées par le feu. Complétant le tableau, une fenêtre à guillotine percée à partir d'une meurtrière s'ouvrait sur la profonde vallée aux pieds du géant de pierre.

Wallon se coucha au plus vite et, abattu de fatigue, recroquevillé au centre du matelas moelleux, il s'endormit aussitôt. Bill sombra dans un sommeil sans rêves, profond et réparateur.



*******



Le froid s'insinuait par le haut des draps et Bill se réveilla à demi. Le feu était mort, la chambre envahie par la nuit. Ronchon, il remonta les draps qui avaient dû glisser, prêt à replonger. Il ne se rendormit pas. Un frôlement, frottement à peine perceptible le tira des limbes. Incapable de résister, dans un demi-sommeil nébuleux, Bill écouta la nuit. Il n’osait bouger, l’inconnu l’observait, les poils hérissés par la chair de poule. Pris au dépourvu, Wallon ne relativisa pas.

Le cœur poussait par à-coups contre ses côtes resserrées, la salive déserta sa langue et son palais. Il resta là, bouche ouverte comme un poisson que l'on tire de l'eau. Le bruit se manifesta de nouveau, ses entrailles se nouèrent et un poing énorme se logea douloureusement dans sa gorge. Pas de chaînes, pas de « Houhou » apocalyptique, juste un bruit indéfinissable et une présence menaçante.

Sa raison se fraya un chemin au travers des peurs pour chasser une angoisse croissante face cette manifestation de l’étrange. Devant ce phénomène qu'il pressentait d'humeur paranormale, telle une torche, sa curiosité s'alluma. Il extirpa sa tête de sous les draps. S'il avait eu froid quelques instants auparavant, sa peur lui réchauffait les entrailles. Ses perceptions l'avertissaient d'un danger. Il se tenait prêt de lui mais son intelligence et ses préjugés réfutaient l'appel de ses instincts.

Bill s’arrêta de respirer en un geignement involontaire. La nuit d’encre se baigna d’une lueur blafarde, comme si le faisceau d’un phare se braquait sur la fenêtre. Le temps était couvert et calme, même la lune n'aurait pu refléter un aussi fort éclairage. Un vague sourire naquit sur ses lèvres. Wallon imagina le pépère essayant un tour pendable sur son invité terrorisé. Si des peurs ancestrales remontées du fond de ses gênes ne l'avaient submergé, l'idée l'aurait fait éclater de rire. Bill ne se sentait pas d’humeur joyeuse, une façon d’exorciser cette crainte provoquée par ces lueurs qui se déplaçaient juste derrière le carreau.

Wallon jeta un coup d'œil vers le foyer et ne distingua que quelques braises incandescentes. Plus de doutes des lueurs blanches que certains classeraient dans les ectoplasmes, se déplaçaient lentement dans la pièce. Elles entraient à flots contenus par la fenêtre dont il s’assura de la fermeture d’un regard. Il ne voulait plus de sortir de son lit pour aller surprendre le Lord où l'un de ses valets, faisant joujou avec un projecteur dans la cour ; terrorisé comme un enfant, la peur du grand méchant loup enracinée au creux de l’estomac.
Un vent surgit d'on ne sait où, hulula à l'extérieur. La bourrasque se plaqua contre le verre et le fit vibrer, les claquements répétitifs le propulsèrent au sommet d’une peur irraisonnée. Bill se rappela le temps calme de son arrivée et comptait bien ne pas rester bloqué ici par une tempête soudaine descendue tout droit des Highlands. Le verre se déforma vers l'intérieur comme une bulle de malabar et pendant un court moment, il crut que la fenêtre exploserait. Il imagina les morceaux coupants le lacérer, projetés au travers de la chambre tel les couteaux d'un jongleur de cirque.

Elle n'explosa pas mais s'ouvrit à la volée. La guillotine remonta avec un grincement effroyable et tapa contre la butée. Invention de sa lucidité perturbée, il la vit redescendre et sa tête rouler sur le sol. Wallon avait toujours eu beaucoup d'imagination mais là s'en était trop. Une peur paralysante balaya sa froide observation de cet événement paranormal. Sa bouche s’ouvrit grand pour laisser échapper un cri de détresse. Il ne sortit jamais de son gosier contracté par l'épouvante, tétanisé, les membres immobilisés. Les bras de Bill se gonflèrent sous l'effort, pour seul effet d’enfoncer ses ongles dans le drap, comme une femme blessée d'avoir été surprise nue dans un lit par un inconnu. Bill devait réagir, un sombre pressentiment l'avertissait que la fête commençait et qu’elle serait donnée à ses dépens.

Les lueurs entrèrent, ou plutôt, lancèrent l’assaut de la chambre dévasté par un vent violent. Un éclair l’aveugla et le tonnerre gronda, répercuté par les échos de montagnes proches. Un calme soudain suivit l’accès de brutalité. D'un bleu évanescent comme une brume impalpable, les lueurs se répandirent dans la grande pièce. Poussé par un courant d'air discret, le brouillard luminescent étendit lentement ses bras vers le lit et l'animal prostré dessus qui attendait la mort sans pousser un seul cri. Antinomie parfaite du coup de boutoir qui avait secoué la fenêtre un instant plus tôt.

D'un mouvement brusque, comme un magicien levant les bras vêtu d’une longue toge bleue, les lueurs se dressèrent au pied du lit à baldaquin. Un vent froid et furieux gonfla les draps pour les lui arracher, ébouriffant ses cheveux comme s’il observait la tempête du sommet d’une falaise au bord de l’atlantique. Les couvertures s’envolèrent, la douleur irradia de ses doigts crispés. Des remous agitèrent le spectre bleu au passage des morceaux de tissu. Incongrue, Bill fit l’analogie avec une pièce envahie par une armée de fumeurs invétérés.

Des serres d'un bleu lumineux se jetèrent sur lui, glacées, éthérées mais au combien réelles. Wallon, terrorisé, en oublia le froid piquant mais sortit de sa léthargie. Lorsque la texture intangible de l’ectoplasme de brume se referma sur ses chevilles, sa gorge se dénoua d'un pouce et un faible gémissement lutta contre le sifflement du vent. Pour toute réponse, Bill entendit un rire sadique s’élever au cœur de son âme. La vessie de Wallon se tordit, prête à déborder mais il ne s'oublia pas.

Des choses impalpables l'agrippèrent par les jambes et tentèrent de le tirer en dehors du lit. Bill n'était pas une petite nature et il s'accrocha à la boiserie. Les muscles tendus, il résista vaillamment à la force titanesque qui voulait l'extirper de son repère dévasté, découvert, exposé au vent froid dont la violence redoublait.

Le visage tourné de côté, Bill admirait contre son gré le spectacle des tapisseries qui claquaient au vent. Elles secouaient leurs décennies de poussière qui tourbillonnaient dans la brume iridescente. La grande armoire en massif vacilla avant de s'écrouler avec fracas. La terreur de Wallon augmenta encore d'un cran. Éperdu, il se concentrait pour résister à ce qu'il savait maintenant être un esprit frappeur, pour le moins. Bill luttait de toutes ses forces pour rester accroché au lit qui semblait immuable, indéplaçable.

Bill se tortura la gorge pour alerter les rares habitants humains du vieux château et obtenir de l’aide avant d’être défenestré. Les cordes vocales de Wallon s’enraillèrent, essoufflé, à bout de forces, il ne couvrait pas le vacarme du vent et des meubles brisés. La porte, sujet de ses œillades éplorées, s'entrouvrit pour laisser filtrer un fin rayon de lumière dans les voiles bleues. Le brouillard desserra la pression qui lui enserrait les chevilles, aussitôt les lueurs s'estompèrent. Le rire cruel, agressif et méchant de l'esprit le secoua à nouveau. Le vent s'arrêta dans l’instant et la guillotine de la fenêtre retomba si violemment que du verre se répandit et tinta sur la pierre brute.

La porte s'ouvrit en grand. L'esprit s'était retiré et Bill constata les dégâts à la lumière blanche d'une lampe à alcool. L'armoire était réduite à du petit bois à jamais inutilisable, les tapisseries pendaient, déchirées, lacérées, décrochées et le tapis déchiqueté montrait les dalles de pierre par d’horribles trous effilochés, les coins disloqués.

Le haut du torse de Bill reposait sur le bord inférieur du lit, les mains cramponnées au cadre. Les jambes s’emmêlaient aux franges du tapis et ses vêtements n'avaient rien à envier à la descente de lit ; des loques. Déplacé par la force des choses, le lit occupait le milieu de la chambre. Le souffle court, les bras douloureux, Wallon balbutiait des remerciements, l’équivalent d’une prière. Les minutes précédente avait été digne d’un supplice moyenâgeux, le bourreau magnanime l’avait épargné.

Soulagé d'échapper à une mort horrible, Wallon soudait la nuit noire au travers de la fenêtre brisée battue par une pluie fine. Il se redressa et soupira, les pieds mal assurés, ses jambes tremblaient au point de le faire tanguer comme un ivrogne. Bill se tourna vers la porte encombrée d’une assistance médusée. L’ombre du vieillard se découpait dans la lumière en provenance du couloir, des murmures étonnés le dépassèrent.

Le Lord essaya d'allumer le lustre. Ce dernier, arraché, reposait, brisé, à deux pas derrière Wallon. Le propriétaire attrapa une lampe des mains d’un de ses domestiques et la leva pour observer le terrible massacre.

— Mon dieu ! s'exclama-t-il à mi voix. C'est une tornade qui est passée par ici ?

Le Lord balaya la chambre d'ami dévastée avant de se fixer sur son invité dans un état non moins regrettable. Encore secoué de spasmes, Bill s’assit sur le lit. La tête lui tournait et il s’attendait à perdre connaissance. Le vieil homme pénétra dans la chambre, suivi des domestiques attirés par le remue ménage.

— Comment vous sentez-vous monsieur Wallon ? lui demanda-t-il, terrifié.

Il découvrait, effaré, combien un petit esprit frappeur sans envergue, le croyait-il, pouvait engendrer comme désordre.

— Oui ! … Je pense que ça va, répondit-Bill d’une voix tremblante.

Bill douta aussitôt de son diagnostic. Son hôte se jeta en avant pour lui porter secours. L’inconscient interpréta le mouvement comme une agression mais il ne put se défendre. Bill après s'être rejeté en arrière, s'évanouit.

Enfin, il le supposa et c’est ce qu’affirmèrent les habitants du château lorsqu’il se réveilla dans le divan du grand salon et qu’ils le détaillaient de leurs yeux brillants de curiosité. Tous les visages exprimaient une attente mystique et de la crainte. Sur celui du Lord un large sourire s'étalait en une parfaite imitation du flegme britannique. L’horloge sonna quatre heures et le sommeil fuirait Bill pour cette nuit là. Celles à venir seraient perturbées par le souvenir de cette chimère lumineuse. Une agression dont il ne se relèverait pas de si tôt.

— Je vous l'avais dit, Monsieur, qu'il y aurait des accidents un jour ou l'autre, prophétisa l’un des domestiques.

Bill le reconnut comme le chef cuisinier de la grande demeure, un homme gras, aux joues tombantes et luisantes. Comme les autres, il devait endosser plusieurs casquettes en plus de la toque par soucis d’économie, jardiniers et chauffeur.

— Ce n'est pas encore un drame qui vient de se dérouler ! remarqua le Lord.
— Avec tout mon respect, monsieur, à quelques minutes près ça en aurait été un.

Le cuisinier secoua sa tête et une bonne partie de son visage entra en mouvement. Le vieillard, maintenant assis auprès de Wallon, réfléchit quelques instants avant de répondre.

— Cela est vrai ! dit-il. Mais notre fantôme n'avait jamais provoqué plus quelques bruits, lueurs ou frottements. Comment aurais-je pu deviner que ces manifestations d’outre-monde prendraient de telles proportions ?

Le flegme du Lord s’en donnait à cœur joie, entretenant une façade imperturbable. Qui aurait pu dire qu'un homme venait de passer à deux doigts de la mort sous son propre toit ? Qu’une chambre avait été ravagée ? Bill revenait lentement à lui. Il s’assit sur le divan et bougea bras et jambes. Wallon gémit, perclus de courbatures. La petite assemblée sursauta, le cuisinier se retourna nerveusement et passa ses doigts boudinés dans des cheveux d'un blond-sale. Les deux servantes, assise côte à côte dans un grand fauteuil, manquèrent de se mettre debout. Sans précipitation, le propriétaire se tourna vers son invité pour lui tendre un verre empli d'une substance ambrée et dit d'une voix douce et unie :

— Comment allez-vous monsieur Wallon ?

Ses yeux exprimaient sympathie et compassion. Le jeune homme avala une lampée de whisky brûlant avant de d'affermir sa voix pour parler.

— Comme un homme qui vient d'être agressé en pleine nuit par des fantômes et des esprits, à votre discrétion, pour la première fois de sa vie et qui a dû s’arrimer à un lit pour la garder. Je suis heureux d'être encore parmi vous et pas dans votre cour, ou pire, au fond de la vallée.

Le Lord lui remplit de nouveau son verre. Après qu'il ait bu, il ajouta avec un petit sourire :

— Bien ! Très bien !

Le liquide chauffait le tube digestif de Bill et la tête lui tournait lorsque la porte s'ouvrit à toute volée. Une terreur indicible se peignit sur les traits de tout à chacun, ainsi que du châtelain. Le même soupir de soulagement accueillit le régisseur enturbanné d'une robe de chambre tendue sur sa lourde charpente. Ça nature calme oubliée dans la chambre d’invité d’où le géant venait. Les mots que le régisseur prononça s'enchaînèrent avec rapidité sur un rythme saccadé :

— La fenêtre a été condamnée, Monsieur (il jeta un coup d'œil inquiet à l'invité ressuscité) et j'ai entassé les meubles brisés dans un coin.

Le régisseur s'avança dans la pièce animé de frissons. Il saisit un verre et se servit à la bouteille du Lord. Le géant vida l’alcool d’un trait en bon écossais qui se respecte. Il s'assit sur le divan et coula un regard étonné vers Wallon comme s'il faisait face à un mort vivant ou un mortel possédé.

Wallon relata les événements subis au cours de la nuit. Il trouva un auditoire attentif qui l’écouta avidement, en manque d'émotions fortes. Ils posèrent nombre de questions pour obtenir des détails qui ne le mirent pas du tout à l'aise.

— Vous m'avouerez tout de même ! s'exclama le cuisinier. Nous n'avions entendu jusqu'à présent que quelques bruits étouffés, insista-t-il. Rien de bien méchant, juste assez pour nous faire trembler de la honte de notre peur lorsque nous n'y étions pas habitués. On avait peut-être cru voir des objets se déplacer, au grand maximum. Mais ça ! Et pourquoi aujourd'hui ?
— Allez savoir mon brave ! répondit le vieux Lord. Il y a longtemps que je connaissais la présence d'un vieux fantôme dans la famille, soit disant un ancêtre éloigné péri de mort violente. Selon des dires de bonnes femmes, celui qui construisit ce manoir. Autant vous avouer que ça remonte à loin ! (Le Lord parut songeur un instant avant de continuer.) Ma femme, très superstitieuse en avait fait appel à une voyante pour entrer en communication avec mon parent. Ma femme, qui assistait à la séance de spi... spi.....
— Spiritisme !
— Merci, monsieur Wallon… a parlé avec mon aïeul et soutenait par la suite à qui voulait l'entendre que ce fantôme se comportait en parfait gentleman. La voyante n'a bien évidement pas contredit.
— Et bien, fit en souriant une des servantes, pour mettre un invité et une pièce dans l'état où il les a mis, le temps a dû durcir son caractère.

Pouffant de rire, l'autre la poussa du coude et dit :

— Tais-toi ! Il pourrait t'entendre et se sentir offensé.

Les sourires s'estompèrent pour laisser place à des grimaces apeurées. Toute la maisonnée commença à couler des regards suspicieux vers les fenêtres et l'atmosphère s'électrisa dans le silence. Un matin blafard ne tarda pas à se montrer, Wallon ne s'attarda pas. Il tremblait comme une feuille, hanté par le souvenir de ces doigts bleus et glacials qui avaient cherché à le tuer. Le ciel obstinément bouché suintait d’une pluie douce et pénétrante. Bill ne revit pas le soleil avant Londres et sa conscience ne s’allégea pas de si tôt. Le sommeil perturbé pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce qu’il se décide à obtenir l’aide d’un médium et trouver des explications.



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A.J. Crime
02 Novembre 2014, 22:28
Citation
je mets en textes tout ce que j'ai appris. L'histoire, l'architecture, géologie, l'études des textes anciens, archéologie, physique, chimie, biochimie, nucléaire et mécanique quantique, astronomie, astrophysique, politique, géopolitique, et encore d'autres connaissance dans le bâtiment
Voilà des axes de réflexion et des connaissances étendues utiles pour l'écriture comme le développement d'idées bien construites
A.J. Crime
02 Novembre 2014, 13:46
Bienvenue à toi Gilles Leucade,

Un rapport avec le mal d'amour que l'on guerit en se jetant dans la mer là-bas... ou le chant d'oreste ?

Merci pour ces quelques vers de l'intime conviction de découvrir au mélange de nos inspirations le chemin de cet univers lointain.

Et si non, qu'est ce que tu aimes ? qu'est ce que tu fais ? d'où es-tu ? que regardes-tu ? qu'espères-tu ?

Amuse-toi bien ici, en ce lieu de travail et de convivialité... enfin, j'espère.
A.J. Crime
02 Novembre 2014, 12:19
La nouveauté du jour... une nouvelle catégorie

- Les 4 coins cardinaux du système d'heilénia

Attendez vous à des modifications prochaine dans l'organisation et le nom des forums de cette catégorie... les sous-forums évolueront aussi.

Le besoin : rendre les textes d'heilénia plus visibles et réorganiser les informations contenues dans les topics de manière à les redistribuer du plus général vers le propre de chaque époque. un travail de fond qui me prendra quelques heures en premier lieu puis se modifiera dans les semaines à venir en fonction de mon inspiration.
A.J. Crime
02 Novembre 2014, 10:28
Bonjour Gilles,

C'est un plaisir que d'accueillir un poète de votre trempe. Le projet principal du forum est Heilénia, une pierre angulaire, un projet de saga déjà entamé et qui a donné lieu à une première publication commerciale (bientôt une deuxième avec le tome2 de Dispergerum antecessors).

Vous trouverez sur ce forum des coins pour tous nos sujets de travail ou pas... les écrivains / dessinateurs / photographes / et distraction... ainsi qu'un coin caché... chaque catégorie / forum, sous forum sera développé en fonction des besoins de nos membres... ne pas hésiter à faire des demandes précises aux modo / admin nous ouvrons sans trop d'hésitation.

Pour ce qui est d'Heilénia... il y a beaucoup de travail en cours / des choses plus ou moins développé mais vous trouverez l'essentiel de la trame globale dans le forum "Heilénia, la sylve d'Eole"... d'ailleurs, ça mériterait d'être réorganisé puisque "La sylve d'Eole" est un roman de l'époque d'Heilénia... il va falloir que je réfléchisse à cela.

Bref, n'hésitez pas à fouiller un peu pour sortir les infos pertinentes et posez autant que questions que vous souhaitez en espérant que notre univers vous inspire.
A.J. Crime
16 Octobre 2014, 21:00
Je bois pas de bière !!!!! :fsb2_dead:
A.J. Crime
14 Octobre 2014, 20:05
Bonsoir,

Juste pour vous dire que je serai au festival du livre de Guérande le 23 novembre 2014 auprès de mon editeur pour dédicacer Dispé. Je n'ai pas encore eu toutes les informations par le mail que j'ai demandé par téléphone.

Après m'avoir écarté de ce festival au printemps, mon éditeur vient tout juste de me rappeler parce qu'il y a eu des désistements. Il aurait été sympa de me dire que j'étais sur liste d'attente, pour moi, ils ne voulaient tout simplement pas m'y voir.

Mais voilà : http://festivaldulivreenbretagnedeguerande.overblog.com/ .
A.J. Crime
07 Octobre 2014, 21:46
Peut-être une infos sumpa sur la typographie des dialogues... j'adore aussi la mise en scéne et la manière dont c'est écrit et présenté : http://www.uneplume.net/2012/12/typographie-du-dialogue/ .

De bonnes infos qui viennent compléter ou éclairer les questions que nous nous étions posé il y a quelques mois.
A.J. Crime
05 Octobre 2014, 13:56
La révolte de gaia est maintenant en phase éliminatoire : http://notre-nouveau-monde.blo...es-phase-1.html il faut se rendre en bas de la page, derrière le compteur pour lire plus encore plus bas pour voter pour les duels...

Bonnes lectures à vous tous... vous avez jusqu'à vendredi pour voter.
A.J. Crime
05 Octobre 2014, 13:54
Merci à vous,

Den ! Tu sais bien que tu me manques à la moindre connexion sans lire un de tes postes. Pas de retard pour l'annif... vous êtes bien, jusqu'à l'année prochaine.
A.J. Crime
04 Octobre 2014, 9:33
Pas besoin de doudou !

Merci notsil, j'ai eu la fumette électronique que je souhaitais m'acheter en septembre pour ne plus trainer un paquet de cigarettes qui puent.

Première«23456»Dernière (169)

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